02 décembre 2006

Liban - Hezbollah : le parti avant la patrie

Liban - Le dilemme est considérable pour tous les chiites du Liban : opter pour l’intérêt national ou pour l’intérêt partisan. Le secrétaire général du Parti de Dieu semble, lui, avoir fait le second choix. Depuis la victoire remarquable sur les troupes israéliennes en été dernier, Hassan Nasrallah multiplie les appels pour que le gouvernement libanais s’ouvre davantage à son parti.

Un parti pourtant bien présent dans les institutions nationales libanaises. Au gouvernement investi depuis le 19 juin 2005, le Hezbollah comptait trois ministres. Mohamed Fneich à l’Energie et Trad Hamadé au Travail, sans compter Faouzi Salloukh proche du mouvement chiite et chef de la diplomatie. Quant au Parlement, il peut toujours compter sur l’opiniâtreté de ses 14 députés élus lors du scrutin de juin 2005.

Un chiffre considérable si on le compare à la piètre représentation du mouvement chiite les années précédentes. Mais en dépit de cet activisme politique, le Hezbollah se voit pousser des ailes et veut encore plus. Et les manifestations semblent devenir la démonstration de prédilection pour lui. Beyrouth a été inondée hier par une véritable marée humaine venue répondre à l’appel du cheikh Nasrallah. Par dizaines de milliers, les manifestants ont crié leur colère au gouvernement libanais et à son chef.

Menés par des membres du Parti de Dieu et leurs alliés du Courant patriotique libre de Michel Aoun, ils n’ont eu de cesse de crier des slogans hostiles à la majorité parlementaire et à ses ténors. «Siniora, va-t-en !» ou «Nous voulons un gouvernement propre», pouvait-on lire sur les banderoles qui se mêlaient aux emblèmes libanais et aux drapeaux jaunes du mouvement chiite. Test d’envergure pour les autorités libanaises, cette démonstration de force voulue par Nasrallah et rejetée par l’ensemble de ses adversaires risque de creuser l’écart entre les différents courants politiques dans le pays.

Les déclarations à elles seules en témoignent. Les deux blocs politiques distincts au Liban s’affrontent verbalement à un rythme effréné depuis des mois déjà. Hier et alors que des milliers de Beyrouthins battaient le pavé, les anti-Syriens montaient au créneau et dénonçaient une tentative de coup d’Etat comme ils l’appellent. «Le gouvernement ne peut tomber que lors d’un vote au Parlement qui lui a accordé sa confiance.

Toute autre action est nulle et anticonstitutionnelle, un putsch auquel nous avons commencé à faire face par tous les moyens légaux», a déclaré hier le Premier ministre libanais. Il a aussitôt été rejoint par ses partisans. Dont Boutros Harb et Samir Jaajaa. Les deux personnalités maronites ont exprimé hier leur désapprobation de la manifestation monstre du Hezbollah et appelaient au calme. Mais c’est Joyce Gemayel, mère de Pierre Gemayel assassiné le 21 novembre qui a eu hier les propos les plus éloquents. «Tout chrétien qui descend dans la rue demain sera en train de creuser la tombe du Liban», a lancé l’épouse de l’ancien chef de l’Etat libanais. Pendant ce temps, c’est une multitude de formations politiques qui appelaient ses sympathisants à participer en masse à la manifestation d’hier.

Hormis le Hezbollah de Hassan Nasrallah, ce sont le mouvement El Amal de Nabih Berri, le Courant des Marada de Souleyman Frangié, le Parti démocratique libanais de Talal Arslane et bien évidemment le Courant patriotique libre de Michel Aoun qui ont lancé des appels à la manifestation. Choqué par l’assassinat de Rafik Al Hariri en février 2005, l’échiquier politique libanais s’est vu davantage bouleversé par la guerre dévastatrice d’Israël de juillet à août 2006. Ce sont aujourd’hui ces événements funestes qui font que le Liban flirte avec la ligne rouge du conflit interne.

Par Mohamed Khaled Drareni - La Tribune, le 2 décembre 2006