27 mai 2007

Liban, une nouvelle fois victime des accords du Caire et de la couardise des autres pays arabes.

Mercredi 23 mai, plus de 10 000 des 30 000 réfugiés palestiniens du camp de Nahr El-Bared ont quitté les lieux après avoir passé trois jours entre les feux de Fatah Al-Islam et de l'armée libanaise. L'Orient-Le Jour a recueilli leurs témoignages

Ils ont fui à pied ou en voiture le camp de Nahr El-Bared pour se réfugier dans le camp voisin de Beddaoui, où des écoles et des mosquées ont été mises à leur disposition. Tout le long de la journée du mercredi 23 mai, le flot de réfugiés se rendant à Beddaoui ne s'est pas arrêté. Arrivés dans ce camp, situé à une dizaine de kilomètres de Nahr El-Bared, ils laissent éclater leur colère contre Fatah Al-Islam, les leaders palestiniens, l'armée et le gouvernement libanais, ainsi que tous les pays arabes. Nés dans des pays d'accueil, ballottés entre des camps, n'ayant que des cartes de réfugiés pour tout papier d'identité, pauvres parmi les pauvres mais tentant de vivre dignement malgré tout, les civils palestiniens ont appris avec le temps et après leurs amères expériences, accumulées depuis 1948, à ne plus s'en remettre qu'à Dieu.

Hier, les rues de Beddaoui – camp généralement calme et tranquille – grouillaient de monde. Il y avait des bus, relevant d'associations libanaises et palestiniennes et transportant des réfugiés qui faisaient la navette entre Nahr El-Bared et Beddaoui. Des hommes, des femmes et des enfants, portant pour tout bagage de petits baluchons ou des sacs en plastique, se promenaient comme pour découvrir l'endroit. Certains d'entre eux étaient encore à la recherche de parents et d'amis. Les civils du camp de Nahr El-Bared ne s'attendaient pas à ce que l'armée libanaise, qui n'a jamais riposté aux tirs de miliciens palestiniens depuis plus de trente ans, réagisse aux provocations de Fatah Al-Islam.

"C'est un complot contre nous. Le gouvernement Siniora et ses partisans veulent la guerre civile. Ils ont eux-mêmes créé Fatah Al-Islam pour déclencher la guerre et accuser les réfugiés palestiniens encore une fois d'être à la base d'événements au Liban. Ils font tout cela parce que nous soutenons le Hezbollah", indique Haytham. Les hommes qui l'entourent acquiescent. Hassan, lui, compare la situation de Nahr El-Bared à celle de Tall El-Zaatar [en juin 1976] "quand les Libanais nous avaient encerclés injustement et massacrés", dit-il. Walid renchérit : "C'est pire que les massacres de Sabra et Chatila [en septembre 1982]".

Hassan, Walid, Haytham et les autres conviennent qu'Ariel Sharon [l'ancien Premier ministre israélien] est plus juste et plus clément que Fouad Siniora. Ils accusent "l'armée libanaise d'utiliser les armes des Américains et des Israéliens", affirment que "l'armée de l'Etat hébreu, contrairement à l'armée libanaise, n'a jamais tué des innocents car elle n'effectue que des bombardements ciblés". L'un d'eux lance encore : "De toute façon, le Liban n'a jamais été indépendant."

Mais le camp de Nahr El-Bared n'abrite-t-il pas des terroristes de Fatah Al-Islam, qui ont tendu des embuscades à l'armée, tuant et égorgeant une vingtaine de soldats dimanche dernier ? Un bon nombre de réfugiés reconnaît que le camp de Nahr El-Bared a été l'otage de Fatah Al-Islam, qu'ils s'attendaient à des accrochages entre le groupe terroriste et l'armée libanaise mais n'avaient jamais imaginé que les combats seraient d'une telle intensité.

Mayssour, qui fait beaucoup plus que ses 56 ans, tient à raconter l'histoire de son fils Ahmad, 24 ans, "victime de Fatah Al-Islam". Le 3 mai dernier, il a reçu une balle perdue à la tête lors d'un accrochage entre un membre de Fatah Al-Islam et un autre milicien du camp. Ahmad a perdu la mémoire et l'usage de la parole. Il est aussi devenu hémiplégique. "L'armée libanaise a agi trop tard. Il fallait qu'elle prenne ce genre de mesures il y a des mois. Les combattants de Fatah Al-Islam sont des criminels, des terroristes, des bouchers. Cela fait plus de six mois, depuis qu'ils sont apparus à Nahr El-Bared, que nous vivons dans la terreur. On ne peut rien contre eux. Ce sont des gens qui n'ont rien à perdre. Ils ont aussi beaucoup d'argent…", dit-il. Il affirme encore que lundi matin, en pleins combats, des gens de Fatah Al-Islam ont égorgé un civil palestinien qu'ils ont soupçonné d'avoir des contacts avec l'armée libanaise.

Mayssour raconte encore que le camp de Nahr El-Bared abritait avant le début des combats plus de 700 terroristes de Fatah Al-Islam. "Ils sont de diverses nationalités. Beaucoup d'entre eux sont libanais. Mais il y a aussi des Palestiniens, des Syriens, des Irakiens, des Jordaniens, des Yéménites et des Tunisiens", dit-il, ajoutant que "l'armée libanaise n'arrivera pas au bout de ses peines, même si elle détruit entièrement le camp."

Patricia Khoder dans L'Orient Le Jour

21 mai 2007

Pardonnez notre racisme

Le 15 mai, un chauffeur de taxi palestinien a été égorgé par son passager, un Juif français récemment émigré en Israël. Le journaliste Goël Pinto qui a lui-même grandi en France, interpelle, dans les colonnes de Ha'Aretz, la communauté juive de France après ce crime raciste.

Julien Soufir, le meurtrier de Taysir Karaki, un Palestinien de Beit Hanina âgé de 35 ans et père de cinq enfants, a agi seul. Mais le terreau sur lequel a poussé ce terroriste Juif français mérite néanmoins l'attention. Durant la campagne présidentielle française, nombreux ont été les Juifs français à expliquer leur soutien à Nicolas Sarkozy par la poigne de fer dont il avait fait preuve lors des émeutes des banlieues en 2005, ainsi que par le fait qu'il ait attribué l'assassinat d'Ilan Halimi [jeune homme français de religion juive kidnappé, torturé et tué en région parisienne] en janvier-février 2006 à des mobiles antisémites.

On estime aujourd'hui à 600 000 le nombre de Juifs en France. Contrairement aux descendants des immigrants musulmans, beaucoup exercent de hautes responsabilités et bénéficient du respect et de la protection des autorités. Dans un pays qui prône l'effacement des identités religieuses au bénéfice d'une identité universelle et républicaine, les Juifs jouent sur deux tableaux. D'un côté, ils sont intégrés à la société française ; de l'autre, ils continuent de manifester une grande loyauté envers l'Etat d'Israël et en particulier envers ses gouvernements de droite.

L'activisme de nombreux Juifs français et le racisme antimusulman que certains d'entre eux expriment ne sont pas des faits nouveaux. Je me rappelle un office du shabbat dans une synagogue parisienne. J'avais 12 ans, c'était l'époque de la guerre du Liban [en 1982]. Le rabbin récitait une prière pour l'Etat d'Israël et ses soldats. Les fidèles s'étaient alors mis à crier des slogans tels que "Sharon, rentre-leur dedans !" et "Sharon, bute-les !" Le rabbin n'a fait aucun effort pour les calmer.

En France, aucun Juif n'oserait s'en prendre à un musulman. Avant d'assassiner un Arabe, Julien Soufir a émigré en Israël. Ce ne sont pas les Arabes qui manquent en France, mais beaucoup de Juifs préfèrent se draper dans l'habit de victime, et il est vrai que les incidents antijuifs les y ont aidés. Cette victimisation pousse les autorités françaises à apporter aux Juifs un large soutien, essentiellement à cause du sentiment de culpabilité né du régime de Vichy.

L'heure est venue pour l'Etat d'Israël de placer un miroir devant les Juifs de France. Le Premier ministre Ehoud Olmert et la présidente intérimaire Dalia Itzik devraient rendre visite à la famille de la victime palestinienne et lui demander pardon, au nom de l'Etat d'Israël et du peuple juif. Exactement comme le fit le roi Hussein après l'assassinat de sept adolescentes israéliennes en Jordanie, en 1997. Et exactement comme le firent le président français Jacques Chirac, son épouse Bernadette et le Premier ministre Dominique de Villepin, après l'assassinat d'Ilan Halimi, lorsqu'ils participèrent à une cérémonie en sa mémoire dans une synagogue de Paris.

Il serait opportun que les dirigeants de la communauté juive de France, à commencer par le grand rabbin Joseph Sitruk, se rendent à la grande mosquée de Paris et demandent pardon. Pardon pour l'assassin, mais aussi pour le racisme antimusulman qui s'est développé dans cette communauté et qui est un des facteurs principaux de la dégradation des rapports entre juifs et musulmans en France.
Goël Pinto
Ha'Aretz traduit dans Courrier International